Georgina Ragaven : « Il faut mettre au placard cette phallocratie, vivre, apprendre et aimer ensemble »

 La directrice de STAR CONNEXXIONS, Georgina Ragaven, est la première invitée d’Actu de Maurice. Elle, qui ne cesse d’encourager, d’inspirer maintes femmes, parle sans ambages, sur la lutte de la femme pour se faire une place dans le monde professionnel. Elle évoque la misogynie et dénonce certaines pratiques douteuses de celles qui ont la chance de siéger aux postes clés des entreprises. Bonne Lecture!


Depuis des années, on lutte pour que la position de la femme professionnelle soit mieux reconnue à sa juste valeur. Malgré ces efforts, on constate que les hommes sont toujours les privilégiés pour les hautes positions dans la hiérarchie. Votre avis.

Cela fait aujourd'hui 30 ans, que je vis à Maurice et nous continuons à débattre sur ce sujet. Je ne veux pas insinuer qu’il n’y a pas eu de progrès dans ce domaine. Certes, il y a en a eu, mais nous avons encore un long chemin à parcourir. La pandémie nous a fait régresser car ce sont les femmes qui ont été parmi les premières à perdre leur emploi. Du jour au lendemain, elles se sont retrouvées à la maison. Retour à la case départ !

Quid des entrepreneures ? Elles ont dû redoubler d’efforts, apprendre à se diversifier, se perfectionner, tout en suivant les dernières tendances au niveau de la technologie et dans le domaine dans lequel elles évoluent. Ce qui n’est pas une mauvaise chose car elles ont appris à sortir de leurs zones de confort. Néanmoins, et d’ailleurs comme nous ne cesserons jamais de le répéter, les hommes doivent cerner la valeur qu’apportent les femmes lorsqu’elles ont l’opportunité d’être à la table d’un Conseil d’Administration ou à un poste de direction. 

Soyons franches et arrêtons de tourner autour du pot. La misogynie est encore présente dans les entreprises mauriciennes.

Vous avez osé le dire, vous le savez, nous le vivons. S’ils se sentent tellement anti-femmes, alors face à des femmes au boulot, ils doivent vivre une existence des plus pénibles. (Rire) Ces hommes ont tendance à oublier qu’ils ont vu la lumière du jour grâce à une femme. Il y a beaucoup de place pour nous tous, en tant qu’êtres humains dans ce monde. Il faut mettre au placard cette phallocratie, vivre, apprendre et aimer ensemble. 

Je parle de mon expérience personnelle. Quand elles occupent de hautes positions dans une compagnie, elles ont tendance à faire preuve d'avilissement envers les jeunes femmes. Comment expliquez-vous cela ?

Effectivement, c’est un phénomène auquel nous avons toutes fait face, au cours de notre carrière. La femme a généralement tendance à changer de comportements quand elle commence à gravir les échelons. C’est un grave problème. Il est important que quand nous, femmes, nous atteignons une certaine position dans l’entreprise, de nous souvenir de ce que nous avons enduré et de donc, faire de la place aux femmes plus jeunes.  Malheureusement, certaines femmes, même à des positions hiérarchiques supérieures, se sentent menacées par des collègues plus jeunes. Fort heureusement, toutes les femmes ne perçoivent pas toutes les choses de la même manière. La plupart ont suffisamment confiance en eux et en leurs capacités.

 Vous êtes proches des femmes. Sont-elles nombreuses à avoir été victimes de ce type de femmes ?

C’est le syndrome PHD, qui signifie dans le jargon anglais, ‘Pull Her Down’. Pour la petite histoire, au cours des conversations, j’ai même entendu des hommes commenter sur leurs collègues féminins. Ils trouvaient difficile d’avoir des femmes dans leur équipe car elles sont très critiques les unes envers les autres. Mesdames, je ne comprends pas cette attitude alors que nous sommes toutes uniques, dotées de nos propres dons et compétences – qui ne demandent qu’à être partagés. Ce serait tellement positif si nous pouvions tous nous unir et nous soutenir mutuellement. Vous savez quoi? C’est simplement une lutte acharnée dans le but de gagner le respect et notre place dans des secteurs d’activités, principalement dominés par les hommes. 

Par ailleurs, ce qui me choque c'est que certaines femmes sont en faveur de ces pratiques patriarcales dans les entreprises mauriciennes.

La question qu’il faut se poser: Sont-elles vraiment en faveur de ces pratiques patriarcales ou si elles font juste croire qu’elles le sont ?

Georgina Ragaven, vous êtes une des rares femmes à dévouer corps et âme pour les femmes professionnelles. Quel est, selon vous, le vrai sens du féminisme ?

Ce en quoi je crois, c’est de donner la chance à chaque femme, de l’encourager à trouver sa voie, mais aussi, de l’aider à comprendre que dans la vie, nous avons tous des choix. Il est aussi important de la faire comprendre que lorsque nous faisons un choix, nous devons assumer l’entière responsabilité et être fin prêtes à faire face aux conséquences. Si en croyant que les femmes méritent l’égalité et l’équité, alors, oui, je suis une féministe. 

Mais, vous serez d'accord avec moi que plusieurs femmes se disent féministes sans connaître le véritable sens de ce terme, ce qu’il implique et elles sont les premières à bafouer le droit des femmes.

C’est vraiment simple. Une féministe est celle qui croit vraiment en la capacité des femmes. Elle a cette volonté d’encourager les autres femmes, de les soutenir et de les aider à être autonomes. Il n’y a rien de mal à croire que les femmes méritent l’égalité et l’équité. Cependant, c’est tout à fait inacceptable qu’une femme se targue d’être féministe alors qu’elle est la première à endiguer la progression d’une autre femme, car elle craint pour sa place. 

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