Saffiyah Chady Edoo : « Ce n’est pas chose facile de transmettre l’amour de la lecture aux enfants. »

Elle, c’est une mordue de la lecture. Saffiyah Chady Edoo évoque les débuts de sa passion pour la lecture, mais aussi, les difficultés qu’elle rencontre pour transmettre sa passion à ses enfants. Pour notre interlocutrice, il ne faut surtout pas les obliger à lire, mais plutôt de les encourager à lire que ce soit, par le biais d’un bon vieux livre ou via les moyens technologiques.


Saffiyah Chady Edoo, vous êtes une passionnée de lecture. Quel fut le déclic pour la lecture ?

Je ne me souviens pas vraiment d’avoir ressenti un déclic, mais aussi, longtemps que je me souvienne, je ne pouvais m’empêcher de lire quoi que ce soit : sur les boîtes, les affiches, les journaux, bien sûr. Ma mère raconte, souvent que quand j’apprenais à lire, je m’amusais à déchiffrer les noms sur les enseignes quand nous sortions en voiture. Le premier livre, dont je me souviens d’avoir lu, est Thumbelina, d’une collection de livres Ladybird que mes parents avaient acheté.

Vous avez particulièrement un faible pour la littérature anglaise et la langue anglaise…

Oui, pour une quelconque raison, l’anglais est ma langue de prédilection pour la lecture et l’écriture, malgré avoir été, comme presque tout Mauricien, entourée de la langue française. Cela dit, jusqu’à peu près l’âge de 12 ans, je préférais lire en français, probablement parce que la bibliothèque ou j’étais abonnée - Bibliothèque St. Joseph, à Rose-Hill - proposait davantage de livres en français qu’en anglais. Mais les années d’adolescence ont été marquées, par la découverte d’auteurs en langue anglaise et de là, l’histoire d’amour avec la lecture s’est approfondie. Subséquemment, ayant vécu en Irlande pendant près de dix ans, mon horizon de lecture en langue anglaise a été très élargi.

Parlez-nous des types de lectures que vous affectionnez.

J’ai une préférence pour la fiction. J’aime beaucoup le genre dit ‘historical fiction’ ou, sinon des histoires contemporaines, voire humaines. J’aime bien découvrir des auteurs anglophones de différents pays, car c’est une manière de voyager sans bouger. On apprend beaucoup des us et coutumes d’ailleurs en lisant, une des facettes de la lecture que j’affectionne particulièrement.

Vous qui êtes mère, comment essayez-vous de transmettre cette passion à vos enfants ?

Ce n’est pas chose facile de transmettre l’amour de la lecture aux enfants. J’ai essayé tant bien que mal d’encourager mes enfants à la lecture, nous avons une bibliothèque à la maison, constituée de livres que j’ai collectionné au fil des années, dès l’enfance. Malgré cela, 1 seul de mes 3 enfants est passionné de lecture. Chaque enfant est un individu à part entière, et arrivé un moment il faut bien respecter la personnalité de l’enfant. Je me dis qu’il ne vaut pas la peine de forcer.

Cependant, vous vous rangerez de mon côté sur le fait suivant : les jeunes, sont, de nos jours, de moins en moins intéressés par la lecture. Votre avis.

Je dirais, oui et non. Je pense que ceux férus de lecture portent naturellement un intérêt pour la lecture. Mais il est aussi vrai qu’il est difficile, de nos jours, de susciter et de cultiver la passion pour la lecture.

Ce désintéressement est dû à quoi ? Est-ce le fait qu'ils sont très connectés ?

Je trouve que c’est un phénomène intéressant. Chaque génération est caractérisée par un certain développement technologique que la génération précédente trouve néfaste pour les jeunes. La mienne était l’exposition aux chaînes satellitaires, donc un plus grand éventail de choix pour intéresser le jeune à la télé et loin des livres. La génération actuelle vit aux rythmes des réseaux sociaux, de la connectivité où tout va très vite.

Ce désintéressement est grave car la lecture joue un rôle important dans divers aspects de notre vie. Votre avis

Je pense que ce désintéressement se trouve dans le fait que le loisir que procurent les réseaux, ne requière pas une attention et une certaine concentration de longue durée, contrairement à ce que demande la lecture. Vu que beaucoup de jeunes sont exposés très tôt aux écrans, développer une passion pour quelque- chose, qui demande un certain effort supplémentaire, devient une corvée. Mais en même temps, il se peut que ce qu’on peut tirer de la lecture est aussi possible à travers les écrans, ça reste un sujet épineux, je pense, car pour les amoureux de la lecture, il n’y a rien qui puisse remplacer le plaisir, la paix et la joie que procure la lecture.

Selon vous, comment les parents peuvent-ils inciter leurs enfants à s'adonner à la lecture ?

Ceci est un travail que l’on doit commencer, dès la petite enfance. Des études ont démontré que les enfants, dont les parents leur lisent des histoires avant d’aller au lit, dès un très jeune âge associe la lecture à un confort, à l’amour. Peut-être qu’il nous faut commencer par ça. Deuxièmement, je pense qu’il ne faut pas introduire l’accès aux écrans avant un certain âge. Si jamais, les parents n’ont pas le choix vu le rythme accéléré de la vie de nos jours, il faut une limitation d’heures d’accès. Il faut également enlever la notion que la lecture est une activité qu’il faut faire au même titre que des obligations scolaires, car cela enlève la dimension de loisir que procure la lecture.

Quand j'étais au secondaire, j'avais été initiée à la lecture grâce au Library Class. Mais c'est chose rare dans les écoles aujourd’hui ? 

Pas vraiment, cela existe toujours dans les écoles, mais encore faut-il que les écoles offrent des livres intéressants aux élèves. Peut-être des collaborations avec des auteurs locaux au sein des écoles pourraient aussi faire partie des activités pour inciter les élèves à la lecture.

Pensez-vous que le Library Class devrait être imposé dès la primaire et obligatoire jusqu'en HSC ?

Je ne pense pas que, cela soit forcément une bonne chose. Imposer quelque-chose ne permet pas de cultiver un amour. Cela peut avoir un effet contraire. Mais je pense que les écoles devraient faire davantage d’efforts pour encourager les élèves vers la lecture.

Par ailleurs, les bibliothèques publiques ou les bibliothèques municipales se font rares. Les jeunes ne connaissent même pas leur existence. Faut-il réinstaurer les bibliothèques publiques ou les bibliothèques municipales ?

Les bibliothèques existent toujours, mais il est vrai qu’ils sont moins nombreux qu’au temps où la lecture était le passe-temps de prédilection. Aujourd’hui, il y a énormément d’activités qui font que la lecture est passée au second plan, en termes de passe-temps. Les bibliothèques municipales ont beaucoup de potentiel, mais malheureusement, les livres sont vieux et les collections offertes pas vraiment variées pour ‘cater’ à tous les goûts. Peut-être des journées portes ouvertes pourraient intéresser les gens à fréquenter les bibliothèques plus souvent.

Il faut aussi dire que le prix des livres à Maurice est souvent exorbitant, ce qui bloque aussi l’accès à la lecture. Et c’est là qu’on peut voir le magnifique mariage entre la technologie et la lecture avec l’engouement pour les e-readers. Quant à moi, je reste une ‘orthodox reader’. J’ai besoin de sentir le poids du livre entre mes mains, anticiper les pages, sentir mon cœur s’alourdir un petit peu, au fur et à mesure que j’approche la fin du livre. 

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