Carola Delaunay: « Notre société lie le mot ‘faiblesse’ à tous les maux »

Il faut arrêter de banaliser le stress, l’anxiété et autres troubles mentaux. La thérapeute, Carola Delaunay évoque le besoin de se confier aux autres et d’arrêter de percevoir ces troubles comme étant des signes de faiblesse.


Carola Delaunay, je suis obligée de vous poser cette question : Vous étiez mannequin et coach de fitness, qu’est-ce qui vous a incité à changer de carrière ?

Depuis très jeune, je vouais une attirance pour la psychologie humaine. Il faut savoir que je suis, de nature, très empathique.  Lorsque je suis devenue coach, j’ai appris à écouter et conseiller mes clients, lors des entraînements à domicile. En effet, quand on se sent à l’aise avec une personne, on s’ouvre sans difficulté à elle.  Bien souvent, j’avais des clients qui avaient besoin d’être entendus plutôt qu’être entraînés.  Souvent, je recevais des messages de remerciements, du genre : ‘Merci de m’avoir écouté et conseillé’ plutôt que : ‘Merci de m’avoir permis d’atteindre mon but, en perdant 5kg.’ Beaucoup de mes sessions de fitness se sont transformées en sessions d’écoute. D’ailleurs, je suis encore en contact avec plusieurs d’entre eux qui n’ont jamais cessé de se tourner vers moi lorsqu’ils avaient besoin de conseils ou tout simplement de discuter.

Bien vite, j’ai réalisé que j'affectionne le fitness beaucoup plus pour ma pratique personnelle. Lorsque j'ai déménagé à Londres. J’ai eu la chance de bosser dans la psychométrie. Il s’agit d’une science qui étudie et mesure les caractéristiques psychologiques des individus. Bien sûr, c’est très différent de ce que je fais maintenant, mais cela m'a fait comprendre énormément de choses. J’y ai travaillé pendant 3 ans tout en sachant au plus profond de moi que ma destinée est de venir en aide aux personnes. 

Les choses se sont enclenchées naturellement car le destin a fait que j’ai eu la chance de rencontrer, une amie qui entreprenait un doctorat en psychologie. Je lui ai fait part de mon envie d’aider les autres. Elle m’a donc introduite à la thérapie Cognitive Comportementale. Je me suis beaucoup renseigné sur cette pratique et j’ai réalisé que c’était exactement ce que je voulais apprendre à faire. Je l’ai donc entrepris par le biais de l’hypnose et j’ai adoré chaque seconde (encore aujourd’hui d’ailleurs).

Quant au mannequinat, c’était un hobby pour moi. J’ai adoré travailler sur certains projets mais c’était uniquement par plaisir. Même si aujourd'hui je ne travaille plus en tant que mannequin cela ne m’empêche pas d’aider les autres dans cette industrie. J’ai récemment travaillé sur deux projets (un pour une amie dans, l’autre pour une organisation) où j’ai aidé les différents participants à poser pour les photos, à dompter le ‘catwalk’ et aussi à prendre confiance en eux.  Ainsi, j’ai pu amalgamer mon expérience mannequin à mon côté thérapeute.

Parlez-nous un peu plus de votre spécialité.

La thérapie que je pratique associe l’hypnose, le ‘mindfulness’ et les TCC (Thérapies cognitives comportementales). C’est une thérapie interactive qui se concentre principalement sur la cognition et le comportement. Elle vise principalement à aider les personnes à apprendre à identifier et à modifier les schémas de pensée destructeurs ou dérangeants, exerçant une influence négative sur le comportement et les émotions. Les techniques intègrent de nombreux outils thérapeutiques différents.  Il est important de savoir que différents types d’hypnoses existent. L’hypnose que j'utilise est un modèle d’hypnose clinique thérapeutique. En d’autres mots, c’est une ‘hypnose qui est validée scientifiquement et qui évolue en parallèle de la psychologie actuelle ainsi que des découvertes des neurosciences’. Je ne travaille en aucun cas avec le concept dit trance ou de subconscient. Cependant, je n’ai pas toujours recours à l'hypnose. Cela dépend vraiment de ce que le client recherche et de ce dont il a besoin pour atteindre ses objectifs. Je suis très créative et très flexible, je peux donc aussi utiliser des outils de mes anciennes expériences dans mes sessions. Il arrive aussi que mes sessions se fassent dans la nature ou autour d’une bonne tasse de thé. Je crée aussi des ateliers que je peux proposer pendant mes événements thérapeutiques ou à certaines compagnies. Celui que je viens de créer, se focalise sur l’exploration de l’estime de soi et comment le booster.

À quel point, un mental d’acier est un aspect important pour le bon équilibre de l’individu.

Personnellement, je pense qu’un mental d’acier n’est pas indispensable. Au contraire, on doit apprendre à s'accepter et relâcher cette pression que l’on s’inflige. S’avoir demander de l’aide que ce soit à un ami ou un proche, apprendre à se  auto-prodiguer de la compassion, apprendre à accepter que l’on n’est pas parfait. Bref, toutes ces choses qui nous rendent humaines, on doit les rééduquer et non pas les percevoir comme des faiblesses. De nos jours, la vie est tellement difficile que l'épanouissement d’une personne ne devrait pas se mesurer par son mental d’acier, mais à sa capacité à s'accepter et à coopérer de façon constructive dans les situations difficiles. Ce qui permet aussi de relâcher un certain stress et une certaine pression.

Oui, le stress, c’est le grand mal mental de ce siècle.

Tout à fait. Le stress engendre toute une kyrielle de problèmes. Cela a des répercussions sur notre potentiel, notre santé mentale et physique. Il engendre également une panoplie de maladies. C’est pourquoi, j’ai opté pour une thérapie qui se focalise principalement sur le stress et l’anxiété.

Nous avons tous fait face à des environnements de travail difficiles, des deadlines stressantes, des collègues envieux, qui s’immiscent dans votre boulot. L’environnement du travail à Maurice prône-t-il le stress et peut provoquer des états mentaux plus compliqués comme le ‘burn-out’ ?

Lorsqu’il s’agit du monde du travail, il existe différents facteurs. Certes, les exigences que certaines entreprises pratiquent, rendent l’environnement toxique, ce qui peut entraîner le stress voire une anxiété importante. Je pense aussi que les salaires et la reconnaissance ne suivent pas forcément malgré la quantité/qualité de travail rendu, sans mentionner, la cherté de la vie qui nous est imposée aujourd’hui. Un environnement toxique au sein du travail peut avoir beaucoup d’impact sur la santé d’une personne, mais aussi sur sa vie privée, et sa progression professionnelle.

Pensez-vous qu’il est important que les entreprises se consacrent au bon équilibre mental de leurs employés ?

Absolument ! Comme je l’ai précisé dans une autre réponse, il y a de plus en plus d’entreprises qui se consacrent au bien-être de leurs employés et qui n’hésitent pas à créer un budget afin de les aider. Je pense que varier les activités et les formations est important. Pas seulement éduquer sur le bien-être dans le monde du travail mais aussi à titre personnel. Éduquer de manière moins exigeante, créer des événements plus ‘relax’ et proposer des ateliers moins ‘formels’ et plus interactifs, peut aussi rendre les choses plus intéressantes. Et pourquoi pas employer des thérapeutes qui proposent différentes formes de thérapies (art, musique etc.) pour donner le choix aux employés mais aussi leur proposer un suivi s’ils en ont envie. Après tout, un employé épanoui a plus de chance d'être productif. 

Cela dit, vous le dites-vous-même, la santé mentale demeure un sujet tabou. Pourquoi a-t-on toujours cette frayeur d’en parler et même d’avouer qu’on en souffre ?

Tout simplement car notre société lie le mot ‘faiblesse’ à tous les maux. Ne pas aller bien ne signifie pas qu’on est faible ! Ne pas aller bien ne signifie pas qu’on se plaint ! Ne pas aller bien ne signifie pas qu’on ne réalise la chance que l’on a ! Ne pas aller bien ne signifie pas qu’on n’est pas assez viril ! Ne pas aller bien ne signifie pas qu’on n'est pas assez fort ! Toutes ces idées fausses sont malheureusement ancrées en nous et on a tendance à normaliser tout cela, ce qui est très mauvais pour notre santé et notre épanouissement.

Par ailleurs, vous martelez que les troubles mentaux sont 'ageless'. 

Les troubles mentaux n'ont ni âge, ni couleur, ni race, ni sexe. Bien sûr, certains peuvent toucher un groupe plus qu’un autre mais personne n’y est à l'abri. C’est pourquoi, il est important d’en parler ouvertement afin de briser les tabous qui gravitent notre santé mentale.

Pensez-vous qu’il faut plus de conscientisation sur la santé mentale et ses troubles ?

Absolument. Plus on en parle, le mieux c’est. Plus on est informé, le mieux c’est. Plus on se soutient les uns les autres, le mieux c’est. Plus il y a de facilités pour les gens, mieux c’est. Plus c’est abordable, le mieux c’est.

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