Deepak Ramsurrun : « Si vous étiez déjà un bosseur quand vous travailliez pour les autres, vous avez du potentiel pour entreprendre. »

Il a connu de multiples carrières et du jour au lendemain, il a décidé de se lancer à son propre compte. Aujourd’hui, Deepak Ramsurrun est un entrepreneur comblé, qui nous conte ce besoin incessant de relever des défis professionnels, mais aussi de prouver qu’un professionnel a la capacité de tirer avantage des ses diverses expériences acquises en se lançant dans un tout nouveau secteur d’activité.



Deepak Ramsurrun, vous avez longtemps évolué dans le domaine de la communication, aujourd’hui, vous vous trouvez dans un autre domaine. Parlez-nous de votre nouveau domaine professionnel.

Au fait, ma motivation première dans mon parcours professionnel a toujours été de relever de nouveaux défis, d'opérer dans des secteurs d’innovation et de technologie ou encore de nouveaux services.

J’ai eu l’occasion de travailler pendant une dizaine d'années dans le secteur audiovisuel d’abord dans le département de production de la MBC pour ensuite prendre le rôle de de journaliste/ animateur des émissions débats à la radio et à la télé. J’ai aussi passé une dizaine d'années dans le département de communication et relations publiques à Mauritius Telecom, dont 6 ans comme responsable du département. Durant mon passage dans cette entreprise j’ai aussi travaillé pour le service MyT notamment pour l’acquisition des contenus.

En 2015, j’ai rejoint une société qui opérait dans l’organisation des conférences en Inde et en Afrique, pour assumer le rôle de responsable de la gestion des événements. Après un bref passage, j’ai décidé de voler de mes propres ailes dans le domaine de l’organisation des conférences/ forums débats. J’ai vu une opportunité en Inde dans le secteur émergeant des plateformes de vidéo streaming (appelées OTT), Hotstar, ErosNow, SonyLiv et Alt Balaji entre autres. Pour mieux comprendre, ce sont des plateformes qui opèrent selon le même modèle que Netflix. J’ai donc créé ma société Dveo Media et j’ai démarré les conférences sur le potentiel et les stratégies des plateformes de vidéo streaming en Inde, sous le label OTTv Mumbai. De 2017 à 2019, nous avons organisé sept conférences, entre autres à l'hôtel Taj Lands End de Mumbai en Inde. Dveo Media a aussi organisé des conférences sur les contenus animés et sur l’industrie de l’esports - l’Esports met l’accent sur le potentiel du secteur gaming/ jeux vidéo en Inde. En 2021, Dveo Media a aussi organisé deux conférences en ligne, VDO Stream Asia et VDO Stream Africa.

Comme entrepreneur et responsable des opérations, je m'occupais au départ de presque tout: du concept à la réalisation : le développement des thèmes de discussions, l’acquisition des orateurs et des sponsors et le marketing. J'assurais aussi le rôle de maître de cérémonie et je présidais les débats avec des éminents représentants des plateformes streaming en Inde.       

En 2021, le groupe ENL a fait appel à mes services pour gérer et développer la plateforme Nourezo Artizan, lancée post Covid-19, qui met en contact clients et artisans d’expérience. Cette plateforme est aujourd’hui bien ancrée sur le marché des services artisans, et ma société Dveo Media vient d’en faire acquisition.     

Une autre nouvelle activité m’inspire fortement, le Gaming. Après l'expérience de la conférence sur l'e-sports en Inde, j’ai réalisé le potentiel de cette industrie et j’ai lancé des initiatives gaming à Maurice sous le label Dveo Esports. Ces initiatives sont destinées surtout aux adeptes de PlayStation. Tout a commencé pendant le confinement en 2020, avec l’organisation des tournois gaming en ligne en collaboration avec le groupe CyberAddiction. Ce partenariat s’est poursuivi avec le lancement du CineGaming à Mauric, en 2020, au MCine de Port-Louis, enchainant avec un autre événement CineGaming à Ciné Star, Bagatelle avec des tournois PlayStation FIFA et Tekken. Par la suite, j’ai réalisé un magazine vidéo, Dveo Wire. Ce magazine vidéo qui se composait de 13 épisodes sur les gamers les plus doués à Maurice, fut diffusé en ligne et sur la MBC.       

Qu’est-ce qui explique ce changement de carrière ?

Pour moi, le déclencheur a été les opportunités qui se sont présentées à moi. Il y a aussi, cette envie, voire ce besoin de relever de nouveaux défis et de faire face à de nouvelles expériences, ce que j’avoue, je suis constamment en quête. En effet, la monotonie me dérange. Les secteurs d’innovation, de nouvelles technologies et de nouveaux services me motivent, car cela me permet d’augmenter mes connaissances tout en restant à l’affût de nouvelles tendances. Il faut toutefois, souligner que changer de carrière ne veut pas pour autant dire effacer ce que vous avez fait avant et commencer à zéro. La communication est très présente dans tout mon parcours jusqu’ici. Journaliste audiovisuelle, responsable de communication et relations publiques, gestionnaire des événements et responsable de la gestion d’une plateforme de services, vous avouerez que ce sont des rôles qu’on peut difficilement dissocier de la communication. Donc, à chaque fois, c’est l’occasion de découvrir et de développer une nouvelle facette de la communication tout en se plongeant dans un nouveau monde.   

Aujourd’hui, les Mauriciens professionnels craignent de changer de carrière – alors que c’est très commun en Europe et même aux États-Unis. Ils craignent de ne pas être à la hauteur. Votre avis.

Beaucoup dépend des opportunités qu’on peut avoir dans notre secteur de spécialisation et aussi, si l’offre est compétitive. Je pense qu’avec la présence à Maurice davantage de sociétés multinationales et des entreprises spécialisées dans les services financiers et les TICs, il y a des opportunités pour les professionnelles, qui leur permettront de s’ouvrir vers de nouveaux horizons. 

Si on maîtrise bien son domaine, les nouveaux défis ne devraient pas nous faire peur. Il suffit d’avoir la volonté de sortir de sa zone de confort. Toute nouvelle expérience nécessite une phase raisonnable d’adaptation. Si on relève le défi, on est amené à réaliser la dimension de notre potentiel. Il est aussi possible que certaines expériences ne soient pas réussies. Toute aventure comporte aussi des risques. Mais comme dit si bien ce vieux dicton :  qui ne tente rien n’a rien. Chaque expérience nous permet de grandir et de développer notre savoir-faire.

J’ajouterai que la peur de ne pas être à la hauteur ou de ne pas pouvoir s’adapter, peut-être mieux gérée, si on reste toujours actualisé sur les nouvelles tendances dans notre domaine de spécialisation.

Par exemple, aujourd’hui c’est difficile d'être responsable de communication/ marketing ou gestionnaire d'événements, si on ne maîtrise pas les tenants et aboutissants des médias sociaux (particulièrement Facebook, linkedIn et Tik Tok…ou encore Threads et X, l’ex twitter).

Pensez-vous que la passion, la confiance en soi et la volonté suffisent à une personne pour surmonter les obstacles professionnels ?

Pour ma part, s’il n’y a pas la passion et la volonté, on peut rien faire. Pour ce qui est de la confiance en soi, il faut en avoir suffisamment pour se dire qu’on a les atouts qu’il faut pour réussir.

Quand j’ai monté ma société Dveo Media et que je suis parti en Inde pour organiser des conférences, ma passion était ma force et j'étais disposé à tout mettre en œuvre pour créer un impact. Développer un concept “OTTv Mumbai” et choisir un emplacement de prestige (Taj Lands End), des orateurs de valeur et des sponsors de calibre étaient un très gros défi. La tâche la plus difficile, c'était de se positionner dans une terre étrangère dans l’organisation des forums autour des plateformes de vidéo streaming face à des groupes média puissants, tel que IndianTelevision. Mais je me suis rendu compte que si on prend le temps de bien se documenter et de se préparer, rien n’est impossible. C’est ainsi que OTTv Mumbai figurait sur le calendrier des événements des professionnels de l’industrie.  En ces deux années, nous avons pu accueillir des hauts cadres des sociétés, dont je connaissais les noms qu'à partir des génériques de films Bollywood: Viacom18, Sony Pictures Networks India, Eros International, Shemaroo et Balaji Films entre autres.  Nous nous retrouvions ainsi pour discuter de l’avenir de l’industrie des plateformes vidéo streaming en Inde. Ce n’est pas sans mal que j’ai pu gagner le soutien des sponsors internationaux de calibre dont Limelight Networks, Verizon Digital Media Services, Akamai, Cloudflare, Clever Tap et AFR-IX Telecom. Les sept événements que Dveo Media a organisé ont été des succès d’affluences. Le réseautage à travers des plateformes comme LinkedIn s’est avéré payant pour l’acquisition des orateurs et des sponsors.  Il a fallu que je réinvente ma façon de travailler pour m’adapter au contexte. Il est bon de souligner que tous les contacts se faisaient par Whatsapp et LinkedIn, alors que moi je me trouvais à Maurice. Je ne me déplaçais en Inde que pour une dizaine de jours, juste pour la tenue de l'événement.   

Néanmoins, le milieu du travail est fait d’une façon à Maurice ou on s'attarde sur les divers degrés et diplômes au détriment de ces employés qui possèdent vraiment les compétences.

Les compétences autres qu’académique ont de plus en plus d’importance, de nos jours, dans le recrutement. Avoir l’esprit d'équipe, le sens de l’initiative, être intègre, être rigoureux, avoir le sens de l’écoute et de l’adaptation sont parmi les atouts qui font pencher la balance. Le savoir-faire technique est important, car il nous inculque la méthodologie de faire les choses, mais il marche avec les autres talents qu’une personne a développé au fil des années avec les expériences professionnelles acquises.

Par exemple, l'expérience de journaliste et animateur de débat audiovisuelle m’a permis de présider les forums débats lors des conférences organisées en Inde. L'expérience de recherche et d’analyse de journaliste et responsable de communication m’a amené à cerner des sujets de discussion complexes et propres à l'industrie de contenu en Inde. Donc, si on a les aptitudes de base, on est en mesure de développer d’autres compétences et d’amener notre savoir-faire à une autre échelle. Pour être crédible dans un contexte qui vous est au départ étranger, un travail assidu est primordial. Ensuite, les résultats vont parler d’eux même et les appréciations de ceux qui ont vu votre travail vont vous motiver à faire encore mieux. Les réactions des participants aux différentes conférences sur la chaîne YouTube de Dveo Media et les articles des médias en ligne en Inde en témoignent. La reconnaissance pour mes initiatives m’ont aussi permis d'être parmi les jurys de Promax India 2021 et 2022, qui récompensent les campagnes de promotion pour les séries télévisées des chaînes indiennes. J’ai aussi eu le privilège d'être parmi les invités pour le lancement de la plateforme de Streaming ZEE5 en février 2019, à Mumbai, en présence du rappeur indien Badshah.

Êtes-vous partisan du fait qu’il est important de savoir se recycler en termes de compétences. Votre avis.

Je ne parlerai pas de recyclage, mais plutôt d’une nouvelle étape de développement, parce que je pense que tout ce qu’on apprend au fil de notre carrière demeure utile dans tout ce qu’on va faire après, quel que soit le métier ou le secteur. Ce savoir-faire enrichit votre efficacité dans tout nouveau métier que vous allez embrasser. Ensuite, il est important d'être au courant des innovations qui vont impacter sur notre quotidien et notre travail pour pouvoir s’adapter quand le besoin se fait sentir. Par exemple, on parle beaucoup du potentiel de l’intelligence artificielle, du Metaverse ou encore de Crypto Monnaie et de leur éventuel impact sur notre manière de travailler, de faire du business et de notre quotidien. Un professionnel a le devoir de rester actualisé sur ce genre d’innovations, car qui dit développement technologique dit un impact, quel que soit notre domaine de spécialisation. Quand il y a un changement qui s'opère autour de nous, il est important de ne pas demeurer spectateur. Il faut s'impliquer, être utilisateur si possible, essayer de comprendre et évaluer le potentiel. Ceux qui sont mieux armés pendant le changement, seront ceux qui vont profiter le mieux.

Déjà ceux qui utilisent Chat GPT voient en cet outil IA, un moyen de gagner du temps, de mieux maîtriser des sujets et d’optimiser les ressources. Quant à l'intelligence artificielle, nous savons que plusieurs secteurs en seront impactés telles les technologies informatiques, les services de santé, le marketing, les finances et le transport. Le mieux c’est de s’y préparer.

Ici, permettez-moi de faire un petit clin-d ’œil cinématographique. Pour ceux qui ont vu le tout dernier Mission Impossible, même si ce n’est qu’une fiction, le film nous montre le potentiel hallucinant de IA.

Il semble que les jeunes sont plus guidés vers cet état d’esprit qu’ils peuvent changer de métier, et de carrière et non ceux qui sont sur le chemin de l'emploi, depuis fort longtemps. Votre avis.  

Quand on est au début de sa carrière, en essayant de trouver sa voie, un jeune peut vouloir changer de métier, jusqu’à se retrouver dans un domaine qui réponde à ses aspirations. Toutefois, à partir de ce moment, il est important de s’investir et de développer son expertise dans le domaine. C’est ici qu’on va découvrir ses compétences, ses talents et son savoir-faire. Après quelques années, le jeune professionnel sera apte à saisir de nouvelles opportunités. Il faut noter que les métiers d’aujourd’hui, sont dynamiques et offrent plusieurs axes de spécialisation. Cela permet à davantage de professionnels d’exercer dans des domaines où leurs connaissances sont plus pointues. Chaque nouvelle opportunité devient ainsi, une occasion d’enrichir son savoir-faire, de développer de nouvelles expertises et d’avoir une meilleure rémunération.  

Toutefois, il est aussi vrai de dire que même si quelqu’un a entrepris des études universitaires dans un domaine spécifique, il peut ne pas se sentir à l'aise dans le métier. C’est là que quelqu’un peut décider de changer de voie et se recycler dans un métier qui répond mieux à ce qu’il recherche. Il y a aussi des professionnels qui se sentent à bout après de longues années passées dans un métier ou dans un domaine spécifique et qui veulent donner un nouveau souffle à leur vie professionnelle. Ici, c’est un vrai besoin de changement, mais un grand défi également. Car c’est comme commencer à zéro. Pour moi, quitter l'audiovisuel après dix ans pour travailler dans les télécommunications, puis quitter ce secteur pour l'événementiel à échelle internationale, comportait des risques. Mais si c'était à refaire, je n'hésiterai pas une seconde, car rien ne peut égaler les innombrables expériences que j’ai pu acquérir.

L’entrepreneuriat semble être également un signe de ces Mauriciens qui ne craignent pas de changer de carrière. Votre avis.

L'entreprenariat est une expérience très importante dans une vie professionnelle. Le point de départ, c’est une idée de réaliser quelque-chose. La motivation peut être de réaliser un rêve, de travailler pour soi-même, d’apporter un nouveau produit sur le marché, de trouver une solution a un problème ou d’offrir de la valeur ajoutée à un service existant. Pour moi, entreprendre est quelque-chose que j’avais dans la tête depuis longtemps. Mais comme bon nombre de salariés, je demeurais dans ma zone de confort et j’attendais le bon moment venir, la bonne idée de business surgir. Il y a ceux qui sont disposés à tout arrêter pour monter leur entreprise et il y a d’autres qui réagissent selon les circonstances. Moi, j’ai vu une opportunité dans l'événementiel en inde, au niveau de l’organisation des forums débats/ conférences sur les plateformes OTT (plateformes vidéos) et je me suis lancé.

Quand on est salarié, même si vous avez le statut de manager ou responsable de département, vous n’avez pas toujours l’occasion de mettre vos idées en pratique, parce que la décision dépend des autres cadres ou du management. Quand vous êtes un entrepreneur, vous avez la possibilité de tester vos idées et de les mettre en pratique, parce que la décision revient à vous. Si vous étiez déjà un bosseur quand vous travailliez pour les autres, vous avez du potentiel pour entreprendre. C’est le cas de le dire, car un entrepreneur au départ n’a pas de limite au niveau des heures de travail, n’a pas de vie de famille, passe son temps à s’investir pleinement dans son projet et a besoin de s’occuper de presque tout pour gérer les dépenses. Justement, gérer les finances, c’est un des plus gros défis d’un entrepreneur. Avoir une idée ne suffit pas, il faut savoir comment financer la réalisation (marketing, production, salariés). Mais quand l’entrepreneur commence à voir le résultat de ses efforts, il oublie les nuits blanches, les heures interminables de travail et les situations difficiles auxquelles il a dû faire face. Il retient surtout sa grande satisfaction d’avoir pu réaliser ce qu’il voulait.

Pour mes événements en Inde, l'affluence et le feedback positifs des orateurs, partenaires et participants représentaient une satisfaction indescriptible pour moi et m'encourageaient à continuer. Concernant la mise en place d’une plateforme de service d’artisan, je m'étais inspiré d’un service que j’avais vu en inde et je travaillais sur sa mise en place à maurice. Mais quand le groupe ENL m’a sollicité pour gérer la plateforme Nourezo Artizan, je l’ai vu comme une opportunité pour mettre en pratique le savoir que j’avais acquis dans le domaine.

Aujourd’hui, c’est encourageant de voir la réaction d’un bon nombre de clients, qui nous disent que ce service apporte une vraie solution à l'épineux problème de recherche d’un artisan ou d’un ouvrier d'expérience à Maurice.   

Une question nous taraude, changerez-vous à nouveau de carrière, si l’occasion se présente ?

Être prêt à changer de carrière après plusieurs années passées dans un domaine et dans une entreprise, c’est franchir un palier. Le palier de sortir de sa zone de confort. La peur de le faire est un blocage. Le moment qu’on a passé cette étape, on est plus ouvert aux opportunités. Mais il y a bien sûr une évaluation qui est nécessaire avant de faire le pas et considérer le temps d’adaptation nécessaire. 

En tant qu’entrepreneur de toute manière, quand j’ai vu l'opportunité se présenter, je me suis lancé dans l’organisation de conférences centrées sur la technologie, dans l’organisation des tournois gaming et dans la gestion d’une plateforme en ligne. Donc, je reste ouvert aux opportunités. Si mon expérience et mon savoir-faire me le permettent, je suis disposé à relever un nouveau challenge.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Kenza Hobass : « Il est important de rendre la politique plus accessible et pertinente pour les jeunes. »

Zaakir Allam : « On est obligé de se réinventer et surtout ne pas avoir peur de tout recommencer. »

Leteechia Rungasamy: “I believe that being an entrepreneur is about taking risks, pushing boundaries, and pursuing your passion.”